Rémi, viré de chez Just Eat car son vélo était en panne
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- Le 10 mai 2022 à 10:15
- par Tomy
Rémi était étudiant et salarié de Just Eat jusqu'en novembre 2021.
Lorsque son vélo est tombé en panne, il n'a plus pu travailler.
Il a demandé un vélo de fonction qui lui a été refusé. Il a ensuite été licencié pour abandon de poste.
J'ai surtout été choqué par leur mépris :
ils pensent que les coursiers sont illettrés.
En arrivant au siège, une secrétaire, en voyant un tract
syndical, a dit : "c'est pas pour les coursiers ça,
y a trop de mots pour eux !".
CGT : Salut Rémi.
Rémi : Bonjour.
CGT : Tu as été salarié de Just Eat ?
Rémi : Je suis entré chez Just Eat lors de la première vague de recrutements, j'ai fait partie des premiers livreurs. J'y suis rentré avec l'annonce qu'on aurait des vélos dans quelques mois, le temps qu'ils se mettent en place, des contrats de travail, la mutuelle, enfin bref le statut d'un salarié quoi. Et au bout de quelques mois, sentant venir le coup du « vous n'aurez pas de vélo ni de hub, si vous voulez vous référer à quelqu'un appelez à Paris », il s'avère que j'ai eu un accident, j'ai tamponné une voiture, mon vélo était HS, moi en tant que bon salarié, j'ai réussi à trouver un vélo dans la journée pour pouvoir retravailler dès le lendemain, et il s'avère que ce deuxième vélo que j'ai réussi à trouver, à mes frais évidemment, n'était pas un vélo de compétition car je n'ai pas les moyens d'en acheter un. Après 1000 kilomètres il s'est mis à dysfonctionner à tel point que je ne pouvais plus travailler.
CGT : Normalement, dans une entreprise, quand tu es salarié, tu dois avoir l'employeur qui te fournis le matériel de travail...
Rémi : Ce que j'ai réclamé de nombreuses fois.
CGT : D'accord, et alors quand tu l'as réclamé on t'a dit quoi ?
Rémi : On m'a dit que j'avais accepté de signer un contrat disant que je prenais mon vélo personnel, je ne sais plus si ça apparaissait dans le contrat, mais dans tous les cas ils n'ont pas à m'obliger d'utiliser mon vélo personnel...
CGT : Et donc, du moment ou tu as dit que tu ne voulais plus utiliser ton propre vélo ?
Rémi : A partir de ce moment là, du coup j'ai arrêté d'aller travailler, ils m'ont mis en absence injustifiée.
CGT : Est-ce que tu leur a demandé formellement de te fournir un vélo ?
Rémi : Oui, tout ça est dans les emails.
CGT : D'accord, et là ?
Rémi : Soit ils ne me répondaient pas, j'étais obligé de les harceler par téléphone ou par email, ou bien ils me répondaient mais à côté de la plaque, comme quoi ils ne comprenaient pas pourquoi je voulais un vélo, et au bout d'un moment, après plusieurs emails, comme ils n'avaient plus trop de matière à détourner la réponse, ils ont commencé à me menacer, ils m'ont envoyé une lettre de mise en demeure comme quoi mes absences étaient injustifiées, abandon de poste, … Et donc suite à ça j'ai eu un entretien à Paris.
CGT : Tu as répondu à la mise en demeure ?
Rémi : J'ai répondu que tant qu'ils me fileraient pas un vélo je n'irai pas travailler.
CGT : À partir de là tu as été convoqué à un entretien pour une sanction disciplinaire à Paris ?
Rémi : Exactement. Je me suis déplacé à Paris sur mon temps personnel.
CGT : Est-ce que tu as pris un représentant syndical ?
Rémi : Oui, j'y suis allé avec Ludovic [RIOUX], représentant CGT, qui m'a accompagné bien gentiment dans les locaux de Just Eat à Paris. Ils m'ont demandé des justificatifs disant que mon vélo ne fonctionnait plus, sauf que ces éléments ils ne me les avaient jamais demandés. Du coup, je leur ai dit que de toute manière, même si j'avais un justificatif ou autre chose, vous m'aviez dit à l'avance que vous ne payez pas les réparations. Ils m'ont répondu que j'avais des indemnités kilométriques de 6 cents par kilomètre, pour réparer ton vélo. Je leur ai répondu que même avec les 6 cents, c'était pas suffisant pour réparer le vélo. En rentrant à Toulouse, j'ai essayé de récupérer des devis auprès de vélocistes toulousains. Quand ils voyaient l'état de mon vélo, la plupart m'ont dit qu'ils ne prenaient pas le temps de réparer ça, c'était trop vieux et dangereux de faire de la livraison avec ça, … C'est arrivé deux ou trois fois. Donc j'ai pas pu fournir de devis à temps. J'ai alors été licencié.
CGT : Comment s'est passé l'entretien ?
Rémi : Ils ne voulaient rien entendre. Ne pas respecter la loi, ça ne les embête pas du tout. J'ai surtout été choqué par leur mépris : ils pensent que les coursiers sont illettrés. En arrivant au siège, une secrétaire, en voyant un tract syndical, a dit "c'est pas pour les coursiers ça, y a trop de mots pour eux là-dessus !".
CGT : Donc ils t'ont licencié pour abandon de poste, en disant que c'était une faute grave.
Rémi : Oui, du coup pas de préavis, pas d'indemnités, …
CGT : D'accord. Est-ce qu'il y a eu d'autres cas comme le tien à Toulouse ?
Rémi : Ouai. Il y a un coursier, qui faisait aussi partie des tout premiers, Sébastien, même si je crois qu'il s'en est sorti un petit peu mieux que moi.
CGT : Et aujourd'hui ?
Rémi : Aujourd'hui c'est très dur, je n'ai plus d'emploi fixe, je fais des missions à droite à gauche, et comme je suis étudiant je suis très précaire.
CGT : Et là qu'est-ce que tu fais ?
Rémi : Des jobs, là ou j'en trouve.
CGT : Comment tu vois l'avenir ?
Rémi : Continuer mes études, continuer à faire des missions et à galérer, et sans vélo du tout parce que je n'en ai pas racheté depuis car je n'ai pas les moyens. Je ne peux même plus l'utiliser pour aller à la fac.
CGT : Comment tu fais alors ?
Rémi : Je suis obligé de prendre les transports.
CGT : Ton sentiment par rapport à Just Eat ?
Rémi : De la rancœur. Je leur fais pas de la pub.
CGT : Quand ils sont arrivés à Toulouse ils ont dit recruter en CDI, être réglos, protéger les salariés, les aimer...
Rémi : C'était ni plus ni moins qu'une autre entreprise de l'ubérisation.
CGT : Merci à toi Rémi pour ce témoignage.