Syndicat CGT des Livreurs Ubérisés Toulousains
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Les conditions hivernales, (froit, humidité, ...), sont également éprouvantes pour des travailleurs qui n'ont pas de local ou se réchauffer

Just Eat : dans les coulisses du modèle à Toulouse

Zone de livraison Just Eat à Toulouse

C'est à grand renfort de communication que Just Eat Takeaway a lancé son service à Toulouse fin mars 2021.

Sous un vernis impeccable, Just Eat a annoncé l'embauche de 120 coursiers, tous en CDI de 10 à 35 heures, avec salaire fixe augmenté de primes, mutuelle d'entreprise, congés payés, et l'ensemble des avantages que procure le salariat de droit commun en France. Vantant un modèle venu du nord de l'Europe, personne n'est mieux placé que les coursiers pour livrer un retour d'expérience sur la réalité du terrain.

Et bien entendu, une fois le vernis gratté, c'est bien moins reluisant du côté des travailleurs.

Des sous effectifs chroniques : 

Dès le mois de juin 2021, Just Eat a délesté près de la moitié de sa flotte de coursiers à Toulouse. En effet, l'entreprise a profité de sa faculté de rompre les périodes d'essai pour mettre un terme aux contrats de près de la moitié de la flotte, 24 à 48 heures avant la fin des périodes d'essai. Certains des collègues dont les périodes d'essai ont été rompues ont rapporté avoir reçus leurs statistiques de performances, lesquelles étaient de 100% de commandes à l'heure. Ces ruptures de périodes d'essai n'étaient donc pas motivées par les performances du coursier... 

Depuis ces licenciements, les sous effectifs sont constamment maintenus. Pour les coursiers sur le terrain, cela se traduit par des commandes passées de 2 km en moyenne en avril à plus de 5 km en juillet, chiffres confirmés par la suite. Il n'est pas rare de voir des coursiers à temps partiel parcourir plus de 600 km par mois et 50 km par jour. 

Une zone de livraison qui n'est pas adaptée au vélo :

Les livraisons à vélo sont dites du dernier kilomètre. A Toulouse, la zone de livraison s'étend de Blagnac à Ramonville, de Lardenne à Balma, incluant la zone de Montaudran, les coteaux de Pouvourville, de Rangueil et de Pech David. Elle ne tient aucun compte du relief du terrain : certaines zones de Toulouse ont des côtes supérieurs à 5%, (Jolimont, Jean Rieux, Camille Pujol, …), voire supérieurs à 7% (avenue de la Gloire, avenue Jean Chaubet, avenue Latécoère, …), pour n'en citer que quelques unes. Certains endroits de cette zone de livraison sont incompatibles avec la pratique du vélo : les coursiers doivent emprunter des bandes cyclables qui coupent des sorties de périphérique, (route de Narbonne), les zones périphériques du rond point David Freiman (Balma), … Il n'est pas rare que le GPS de l'application suggère d'emprunter le périphérique à vélo !

Les commandes sont attribuées aléatoirement à des salariés, soumis à un lien de subordination, qui ne peuvent pas même refuser une commande quand bien même elle les oblige à gravir les côtes les plus raides de la ville ou à traverser des zones qui ne sont absolument pas adaptées à la circulation à vélo. 

Une règle interne, venue comme un cheveu sur la soupe et qui, bien entendu, n'est contractualisée nulle part sinon dans les caprices de la princesse, veut qu'une course ne dépasse pas 5,5 km, seulement entre le restaurant et le client. Il n'y a pas de limite de distance entre le lieu ou se situe le coursier et le restaurant. Suivant ce principe, un coursier qui a livré avenue Jean Zay, peut se voir attribuer une commande à retirer à Montaudran, soit déjà 11,5 km pour le restaurant, avant de devoir livrer le repas à la Cité Universitaire Daniel Faucher, soit à 5,5 km du restaurant, totalisant ainsi 17 km en une seule course.

Absence de locaux :

Toulouse a été décorée du titre de ville « remote », elle est donc gérée à distance. Les employés n'ont ni local, ni vestiaires, ni douches, ni toilettes. Les répartiteurs pilotent la ville à distance depuis Amsterdam. Le management des salariés toulousains est fait par des parisiens, qui sont venus s'inspirer de la ville à tel point qu'ils ont renommé une de ses gares la gare Sainte Agnès (sic). 

Pour les coursiers, concrètement : il n'y a nulle part ou aller ! Les quarts de travail débutent depuis des « hotspots » répartis dans la ville. Il n'y a aucun local ni toilettes.

En période de grand froid, en cas d'absence de commandes, ils sont dehors. En période de canicule, ils restent également dehors, sans eau ni lieu de rafraîchissement. En cas de météo violente, (orages, grêle, …), étant donné qu'il n'y a personne sur le terrain pour constater l'impossibilité de travailler, les commandes continuent d'affluer. 

La question du matériel non fourni :

Le B-A-BA du contrat de travail est l'obligation pour l'entreprise de fournir du travail à ses salariés, et de mettre à disposition des salariés le matériel nécessaire et adapté à la réalisation de leur travail. 

Pour Just Eat France à Toulouse et dans les villes téléguidées, il en a été décidé autrement : les salariés doivent obligatoirement fournir leur propre matériel, sans pouvoir obtenir de vélo fourni par l'entreprise. Certains coursiers qui ont protesté ont été mis en demeure par l'entreprise de reprendre le travail avec leur propre matériel. 

Même en cas de panne, l'entreprise ne fournit pas de vélo de remplacement ! Le coursier est mis en congés sans solde, et le temps d'effectuer les réparations, bien entendu à ses frais, il n'est pas payé ! En cas de vol, la société demande un récépissé de dépôt de plainte, mais ne fournit pas de matériel de remplacement ni n'indemnise le coursier. 

On rappellera qu'il s'agit d'une multinationale comptant plus de 15 000 salariés et présente dans 25 pays en Europe, aux Amériques, en Océanie et en Israël. 

C'est à la vue de tous ces éléments que le vrai visage du « modèle » Just Eat peut être jugé pour ce qu'il est : pas de locaux, pas de véhicules, pas de frais d'entretien ni de réparations, pas de risques en cas de vol, … un véritable transfert des risques sur des travailleurs sans en assumer aucune des conséquences.

Ainsi Just Eat arrive-t-il au pire des deux mondes : ubérisés mais tout de même subordonnés. 

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