Licenciements, procédures contre Just Eat, explications...
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- Le 24 janvier 2023 à 08:15
- par Antoine
La direction de Just Eat et l'organisation syndicale FO ont signé un accord prévoyant le licenciement de plus de 300 salariés, dans toutes les villes sauf Paris.
Validation, homologation, tribunal administratif, conseil de prud'hommes, tribunal judiciaire, licenciement sans cause réelle et sérieuse, licenciement nul, … Tout cela est bien flou et mérite une explication afin que chacun puisse prendre ses décisions en connaissance de cause.
Fidèle à sa longue tradition de la défense des salariés, la CGT propose à celles et ceux qui le souhaitent de piloter les recours afin de tenter d'obtenir une juste indemnisation des préjudices causés.
Préalablement à toute prise de décision, la CGT vous propose cet article explicatif sur la situation actuelle, les recours administratif, prud'homal, l'intérêt de chacun et la portée des décisions.
Il est publié sur le site de la CGT TOULOUSE, tout simplement car c'est le seul syndicat de coursiers en France à disposer d'un site internet en propre, permettant des publications à grande échelle. Les informations communiquées ici sont cependant valables dans l'ensemble des villes et pour l'ensemble des salariés concernés par le PSE.
Le principe : un licenciement économique pour un motif... économique :
Une société qui entend licencier collectivement pour cause de difficultés économiques doit apporter la preuve des difficultés traversées et de la nécessité absolue de procéder à des licenciements pour sauvegarder un maximum d'emplois.
Pour la CGT, le motif économique n'a jamais été démontré : le groupe est rentable depuis 2022, la trésorerie se chiffre en milliards d'euros, et la situation en France n'est imputable qu'à la seule désorganisation, (absence de matériel, de locaux, pingrerie de la direction, …).
Les 26 villes fermées ne le sont d'ailleurs qu'en ce qui concerne les salariés : Just Eat va bien continuer d'opérer dans ces villes, mais selon le modèle ubérisé des micro entrepreneurs, sans salaire minimum, sans protection sociale, sans représentation, dans une course au moins disant social.
Indépendamment de l'absence de motifs économiques, la direction de Just Eat France n'a jamais respecté ses obligations légales et conventionnelles : heures complémentaires / supplémentaires, temps de trajets, paniers repas, avantages en nature, fourniture du matériel, PDA, forfaits téléphoniques, …
C'est sur la différence entre ces deux prétentions que s'articulent les deux recours : administratif et prud'homal, (I), sachant que le premier (administratif) peut avoir des conséquences sur le second (prud'homal) (II).
I. Les recours :
A. Le contentieux administratif :
Les tribunaux administratifs ont compétence pour connaître des litiges avec l'administration, - ici, la DRIEETS Ile de France, faisant partie de l'inspection du travail de Paris -.
L'organisation syndicale FO ayant signé avec la direction un document stipulant que « les raisons économiques et financières ayant conduit la Direction de la Société […] à lancer une démarche de réorganisation », le contrôle de l'inspection du travail s'est opéré à la marge : on considère que quand une organisation syndicale accepte de signer un document qui reconnaît des difficultés économiques, celles-ci sont bien réelles, peu important les affirmations par la suite.
Les mesures d'accompagnement sont donc contrôlées à la marge : puisque (une partie) des représentants des salariés ont accepté de signer, l'inspection du travail considère que les négociations ont abouti à un traitement satisfaisant des salariés licenciés.
Ce contrôle « de forme » s'appelle une validation du PSE.
Cette validation peut être contestée devant le tribunal administratif : c'est l'objet du recours administratif proposé par la CGT.
La contestation de la validation peut s'appuyer sur des motifs tirés de la légalité externe ou interne de la validation : l'idée est d'examiner la forme avant d'examiner le fond.
Le recours administratif, si il aboutit à une décision favorable pour les salariés, (une annulation de la décision de validation de l'inspection du travail), n'apporte aucun bénéfice direct à son seul terme. En effet, il n'est pas dirigé contre la société mais contre l'administration de l'inspection du travail. Si les salariés obtiennent gain de cause, ils n'ont pas d'indemnisation directe du seul fait de cette procédure victorieuse contre l'administration.
B. Le contentieux prud'homal :
Les conseils de prud'hommes ont compétence pour connaître des litiges individuels nés dans l'exécution d'un contrat de travail.
Chaque recours déposé par un salarié est un recours individuel, en son nom propre : il n'y a pas d'action de groupe à proprement parler devant le conseil de prud'hommes, même si le fait de déposer l'ensemble des recours devant un CPH unique peut apporter des avantages pratiques pour les salariés, (voir II. B.).
Le conseil de prud'hommes a donc compétence pour condamner la société à des rappels de salaire, à connaître des contestations au titre des heures supplémentaires ou complémentaires ; il peut ordonner le paiement d'accessoires du salaire, notamment les frais mis à la charge de l'employeur par la loi ou la convention collective.
A cet égard, le contentieux avec la filiale française de Just Eat promet d'être juteux tant la société a pris des largesses avec le droit du travail : les temps de trajet n'ont jamais été pris en compte dans l'établissement du temps de travail, la prise en charge du matériel a été inexistante dans la quasi totalité des villes, les salariés ont été forcés d'utiliser leurs smartphones personnels et leurs numéros de téléphone personnels ; les remboursements de frais professionnels (paniers repas, …), n'ont jamais été pris en charge : la direction a clairement fait savoir que les salariés qui entendent obtenir le paiement de leurs indemnités de panier devraient faire des recours en justice.
Sur ces seuls paniers, un salarié en 35 heures ayant 2 ans d'ancienneté totalise plusieurs milliers d'euros d'arriérés au titre des paniers repas.
La liste des manquements mentionnés ci-dessus n'est pas exhaustive ; cependant l'ensemble des salariés ont été privés d'une part substantielle de leur rémunération et sont en droit d'obtenir l'entier paiement de ce qui leur est dû.
II. Conséquences pratiques :
A. L'intérêt de déposer deux recours :
Ainsi qu'il a été vu au I. A., les salariés qui obtiennent la nullité de la décision de validation du PSE au titre de l'absence de motif économique et/ou d'insuffisance du PSE, ne tirent directement aucun avantage direct de leur « triomphe » contre l'administration.
En effet, ce n'est pas l'administration qui va les indemniser... sauf peut-être au titre des frais de procédure.
L'intérêt se situe en aval : devant la juridiction prud'homale.
Le conseil de prud'hommes aura à connaître, dans tous les cas, de l'ensemble des manquements de la société à ses obligations légales, conventionnelles et contractuelles.
Cependant, si (et seulement si) son cousin du tribunal administratif est venu reconnaître qu'il n'y avait pas de motif économique et/ou qu'il juge une insuffisance du PSE, le conseil de prud'hommes en tirera toutes les conséquences : les licenciements prétendument économiques n'en sont pas, la décision de validation de l'administration est annulée, les licenciements prononcés sur le fondement de cette validation (entre temps annulée) sont donc nuls.
Cette nullité des licenciements amène pour les salariés des conséquences très concrètes : une indemnité de licenciement nul, représentant au minimum 6 mois de salaire, qui viennent s'ajouter aux indemnités dues au titre des rappels de salaires, des sommes dues au titre des frais professionnels, (paniers repas, …). Ces derniers sont dus, indépendamment du résultat du recours administratif.
On peut donc considérer : que des sommes sont dues dans tous les cas, lesquelles seront obtenues devant le conseil de prud'hommes, et qu'au surplus, en cas de victoire devant le tribunal administratif, il y aura également un « bonus » : une indemnité minimale de 6 mois de salaire.
B. La mise en œuvre pratique de ce "double recours" :
Les recours prud'homal comme administratif sont des recours individuels, et strictement étanches l'un par rapport à l'autre. Ce sont deux actions à mener en parallèle, mais l'une ne provoque pas l'autre automatiquement. Même les délais pour agir sont différents ; l'introduction du recours administratif n'affecte pas les délais de prescription pour la saisine du conseil de prud'hommes et inversement.
Théoriquement, chaque salarié peut intenter, seul, des recours devant le tribunal administratif et devant le conseil de prud'hommes. En pratique, le tribunal administratif compétent étant celui de Paris, les salariés seraient forcés, depuis leurs villes respectives, d'envoyer un avocat plaider à Paris...
Les recours peuvent cependant être introduits conjointement : confiés à un cabinet d'avocats unique, qui plaidera l'ensemble des dossiers devant une juridiction unique à une date unique.
C'est là que la CGT se propose d'agir : la fédération des transports a un cabinet d'avocats partenaire. Ce cabinet d'avocats est installé à Paris.
L'action est supervisée par la CGT et sa fédération des transports : il y a donc un syndicat, et son service juridique, qui supervisent l'action du cabinet d'avocats, par ailleurs rompu à ce type de recours.
Devant la juridiction prud'homale, les recours sont par ailleurs déposés conjointement : ils sont inscrits le même jour, et plaidés par un avocat unique. L'effet « de masse » est donc garanti : plus le nombre de salariés est élevé, plus les conseillers prud'hommes sont marqués par l'incurie de la direction qui n'a jamais entendu respecter ses obligations.
Accessoirement, la CGT peut être partie jointe : l'étendue des manquements de Just Eat en France est telle que le préjudice est porté non seulement aux salariés mais aussi à la profession et au droit du travail dans son ensemble. A ce titre, la CGT peut être partie jointe.
Enfin, un avocat unique pour un dossier unique de salarié peut passer à côté des manquements relevés dans le cadre de l'examen des recours des autres salariés. Le cabinet d'avocats de la CGT peut donc orienter chaque salarié sur des manquements constatés ailleurs afin de ne passer à côté de rien.
Il est donc dans l'intérêt des salariés de se joindre aux recours déposés par la CGT, tant pour des raisons pratiques, (chaque salarié peut « confier » son affaire à la CGT ainsi qu'au cabinet d'avocats partenaires), autant que juridiques, (effet de masse, avocat et syndicat rompus à la pratique).
Conclusion :
Il est évident que Just Eat France n'a jamais entendu ni se conformer à ses obligations en tant qu'employeur de salariés, ni même respecter de quelque manière que ce soit les travailleurs qui ont tout donné à une entreprise qui, tout en leur promettant la stabilité du CDI, s'est dérobée sur tout et a embobiné tout le monde.
C'est donc à chaque salarié de déterminer si il entend accepter le « fait accompli » de Just Eat ou bien si il entend obtenir juste réparation des préjudices causés et paiement de ce qui lui est dû.
A cet égard, et compte tenu des difficultés autant pratiques que juridiques que représente l'obstacle des recours juridictionnels, la CGT vous offre une opportunité unique de faire valoir vos droits en mettant toutes les chances de votre côté.
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Ce formulaire n'engage à rien : vous serez simplement contacté par la suite, pour obtenir de plus amples explications sur les recours, et le cas échéant, nous vous expliquerons les démarches à accomplir pour vous joindre aux procédures.
N.B. : tout recours juridictionnel est soumis à un "aléa judiciaire" : il n'est jamais possible de savoir de manière certaine si une action emportera la conviction des juges. Un peu d'humilité est donc bienvenue dans la présentation des recours et des chances de succès. Aussi, la CGT si elle se propose de mettre toutes les chances de votre côté, ne vous affirmera jamais qu'un procès est gagné... avant qu'il ne le soit.